[Défi] Pensées d'une dryade démente

Publié le par Minyu

Revoilà un article du dimanche !

 

Donc, c'est un défi que l'on m'a lancé sur Le Monde de l'Ecriture : écrire une nouvelle "steampunk"* à la première personne, dont le personnage principal est une dryade, avec la même ambiance que dans cette musique.
Je ne sais pas ce que ça vaut, je n'ai jamais écrit de nouvelle "steampunk" avant ça. Et puis le titre n'est pas super, mais c'est tout ce que j'ai trouvé ><
Vous pouvez lancer la musique au tout début, ou simplement à partir de "Comme toujours", à votre guise. Comme la musique est assez courte, relancez-la si elle se termine avant que vous ayez fini de lire.


Quelle chose étrange que le destin… La vie peut soudainement basculer sans que l’on s’y attende, ne plus faire de nous un être vivant, simplement une coquille vide, dévastée intérieurement. Qui peut se prétendre à l’abri d’un coup bas de l’avenir ?

Comme toujours j’erre, désemparée. Continuellement, depuis ça. Je frissonne rien qu’en y repensant ; j’imagine des larmes venir humidifier mes yeux arides depuis ça. J’ai conscience de mon corps presque nu, conscience que les plantes recouvrant simplement mes seins et mon sexe, ainsi que les lianes enroulées autour des mes membres sont flétries depuis longtemps. Conscience qu’elles ne devraient pas l’être, qu’elles font parties de moi. Conscience de ce que cela signifie. Conscience du désarroi et de l’épouvante qu’éprouve quiconque me croise, devant cet être détruit à l’esprit cruellement mutilé que je suis.
Les trottoirs se vident sur mon passage, chacun trouve soudainement une occupation urgente ; même les elfes rejoignent subitement leur usine. Je m’écroule finalement, secouée de spasmes. En rampant, je parviens à m’asseoir contre un gigantesque bâtiment chromé, constitué de tuyaux, roues et autres ustensiles de plomberie. J’aperçois vaguement, avec mon regard vide, le port face à moi. Des chasseurs de nuages montent sur leur bateau et presque aussitôt une fumée noirâtre commence à s’échapper des deux cheminées. Le nuagier s’ébranle et s’envole. Pourtant je vois qu’aucun membre ne sort  de harpon – normalement, les harponniers se mettent en position avant même le départ. Eux aussi préfèrent fuir ma présence.
Je me recroqueville et enroule mes bras décharnés autour de mes genoux. Le peu de raison qu’il me reste s’enfuit ; mes pensées s’échappent vers lui. Mon frère de cœur, majestueux, dans toute sa splendeur. Mon amour. Quand il était encore beau, magistral.
Irrémédiablement, mes songes glissent vers ça ; je tente désespérément de les retenir, d’oublier, de ne garder en mémoire que les meilleures périodes de ma vie.
Mais elles glissent…
Les cris d’horreur, les cris de surprise, les cris de démence ; les appels à l’aide muets des arbres ; le grondement des machines, la fumée noirâtre obstruant le ciel à  quelques mètres. L’aube d’un beau vermeil transformée en enfer aux cieux pollués et à l’air fétide.
L’alerte donnée, trop tard. Nous ne pouvons partir, nous ne pouvons nous sauver. Est-il préférable de mourir asphyxié ou de survivre en zombie ?
Certaines de mes amies s’arrachent volontairement à leur arbre, je les vois se tordre de douleur alors que leurs poumons délicats réclament de l’air frais.
J’enfouis ma tête dans mes mains, appuie mes paumes sur mes yeux dans l’espoir de faire disparaître ces images qui tournent dans mon crâne en une ronde incessante, tentant de les endiguer avec des pensées heureuses. Penser à la forêt… Mais a-t-elle vraiment existé ? La folie me guette, je le sais, je la sens s’insinuer sournoisement en moi, alors que je lutte contre mes propres démons ; elle m’attaque par derrière, lâche qu’elle est.
Les images reviennent, je vois les monstres à gueule de fer s’approcher en un vacarme du tonnerre, je vois les mages debout sur les machines, souriants, soulevant par leur magie les arbres tombés, les faisant partir je ne sais où.
Un appareil s’avance vers moi. Est-il dans ma tête, ou vraiment sur le trottoir, devant moi ? Mais non, ce ne sont que mes pensées de dryade démente qui me harcèlent. Je vois, impuissante, mon arbre être arraché par les mâchoires de métal. Je hurle de douleur alors qu’on m’enlève une partie de mon esprit, alors que la déchirure fatale se crée, alors que mon âme se scinde en deux en un horrible craquement que je suis la seule à entendre.
Qu’y a-t-il de pire pour une dryade… ?
Je ne peux en supporter plus, je me lève sur mes jambes flageolantes, m’approche du bord du quai. Le vide est là, la liberté est à mes pieds. Ma tête tombe sur le côté, mon cou n’ayant plus la force de la retenir, je deviens définitivement aveugle – peut-être est-ce mieux, je ne verrai pas la chute.
Je fais un pas en avant, et je sens, heureuse, le vide m’emporter, mon enveloppe corporelle infirme choir.
Je ne sens pas l’impact, presque un kilomètre plus bas.

 

* : Selon celui qui m'a lancé ce défi, le mot steampunk "désigne un genre littéraire qui exploite une période particulière de la progression de l'humanité : celle de l'industrialisation. C'est le temps de la vapeur, en quelque sorte. C'est de la fantasy avec des trains".

Publié dans Ecrits

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F
<br /> Même si l'histoire en elle même n'est pas extraordinaire car ce ne sont que desz pensé = pas d'aventure , ton style est vraiment magnifique et pouvoir évrire autant sur si peu de chose est<br /> incroyable. Tu écrit véritablemant suberbemant (je sais pas si sa ce dit mais tant pis )!!!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Merci  <br /> <br /> <br /> <br />